Penser autrement
invitation à la pensée systémique.
Ne comprenant pas pourquoi nous n’arrivions pas à changer un monde qui allait droit dans le mur, pas simplement sur le point de vue écologique, mais aussi sur l’accroissement des inégalités, je me suis demandé si celà ne venait pas aussi de notre mode de pensée, de notre entendement du monde. Sans renier la pensée scientifique et « révolutionnaire », j’ai voulu dépasser ou sortir du cadre comme le propose Edgard Morin. L’essentiel de notre mode de pensée est la pensée analogique associative, qui est le produit de notre capacité cérébrale à associer nos sens à une pratique individuelle et collective, pour créer l’outil et le langage. Puis il y a eu la révolution « Galiléenne » qui a remis en cause la « vérité » perçue par nos sens. Comme le dit Hannah Arendt, dans son livre « Condition de l’homme moderne » : « Ce n’est pas Galilée, ce sont les philosophes, qui furent les premiers à abolir la dichotomie entre la Terre et le Ciel, à promouvoir, comme ils disaient la planète « au rang des astres nobles », à lui trouver sa place dans un univers éternel et infini. Et il semble que les astronomes n’ont pas eu besoin du télescope pour affirmer que, contrairement à l’expérience des sens, ce n’est pas le Soleil qui tourne autour de la Terre, mais la Terre qui gravite autour du Soleil. » (page 327) … « Ce que fit Galilée, ce que personne n’avait fait avant lui, ce fut d’utiliser le télescope de telle façon que les secrets de l’univers fussent livrés à la méconnaissance humaine « avec la certitude de la personnes sensorielle » ; autrement dit, il mit à la portée d’une créature terrestre et de ses sens corporels ce qui semblait pour toujours hors d’atteinte, ouvert tout au plus aux incertitudes de la spéculation et de l’imagination. » (page 329) … « Ce qui nous concerne ici, c’est que le même événement comporte en même temps désespoir et triomphe. Pour placer ces faits dans leur perspective historique, on dirait que la découverte de Galilée a prouvé et démontré que la crainte la plus affreuse et l’espoir le plus présomptueux – l’antique peur de voir nos sens, nos organes faits pour accueillir le réel soudain nous trahir – et le vœux d’Archimède réclament hors de la Terre un point d’appui pour soulever le monde – ne pouvaient se réaliser qu’ensemble, comme si le vœu ne devait être exaucé qu’à condition de nous faire perdre le réel, comme si le mal redouté ne devait s’accomplir que compensé par l’acquisition de pouvoir supraterrestres. » (page 331) Ce que signifie ce dernier événement est la naissance d’un nouveau mode de pensée : la pensée conceptuelle abstraite. Le télescope a montré de manière irréfutable que la pensée basée sur les sens, la pensée analogique, pouvait nous trahir, c’était d’autant plus « vrai » que c’était un sens, la vue, qui se trahissait lui-même. L’humanité ne pouvait donc plus se confier qu’à son esprit, qu’à ce qu’elle était elle-même capable de concevoir, de créer ou plutôt de réinventer. Le développement de la science avec sa nécessaire spécialisation, le repli des scientifiques vers leur seuls domaines après qu’ils se sont rendu compte qu’ils s’étaient fait berner pas le grand parti des travailleurs et les horreurs staliniennes, a globalement mis fin à toute émulation d’une réflexion holistique interdisciplinaire. Moi-même, militant d’extrême gauche, syndical et associatif, j’ai voulu remettre en question notre façon de poser les problèmes et d’y répondre.